Je me souviens… de la guerre
Je me souviens… toujours de mon service militaire à 17 ans, Classe 42 (taille à l’époque 1,55 m) Là encore : petite histoire – je travaillais, du moins j’aidais Papa à la banque Dupont et un jour, sur ma demande, j’ai été convoqué rue Albert 1er, aux bureaux militaires (encore présents actuellement) pour un léger examen médical : pesée, mensuration, taille !!!
À ce stade, le bas blesse ! Je n’étais pas assez grand pour servir, être pris, être incorporé !!
C’était la saison froide, et un soldat m’a mis un tapis sous mes pieds, pour avoir moins froid sur le carrelage… et bien de ce fait, gagnant quelques centimètres, j’ai eu la taille voulue et reconnu pour être pris.
Je me souviens… être retourné à la banque Dupont, Papa m’a soulevé de terre, m’a pris dans ses bras et dit à tout le personnel : « mon fils est soldat »
Bon, alors détail sur ce plan : matricule L.9607
Soldat engagé volontaire le 23 novembre 1939
Service armé classe mobilisation 1939/1
Engagé volontaire pour toute la durée de la seconde guerre mondiale à l’âge de 17 ans
Engagé sans aucune prime, c’était ainsi à cette époque
Arrivé au 109e bataillon de l’armée de l’air le 25 novembre 1939 à Tours, incorporé à la 7e compagnie le dit jour
Passé un mois en l’hôpital militaire de Tours en décembre 1939
Mis en affectation sur l’école de l’armée de l’air de Rochefort le 25 janvier 1940, affecté cette fois à la 5e compagnie – j’ai suivi à Rochefort les cours d’élève mécanicien en vol du 18 avril 1940 au 15 juin 1940
Évacué sur le camp d’Argeles près de Collioure, proche de la frontière espagnole, les baraquements étaient infestés de puces, de poux, de rats – pour dormir, nous devions creuser des trous dans le sable, et nous recouvrir d’une tôle. Nous étions gardés par des Sénégalais, qui tirèrent sur une jeune recrue qui tentait de s’échapper. Un français contre un français – c’est çà aussi la guerre !!! Il faut reconnaître que celui qui s’évadait, était considéré comme un déserteur.
Thorez et Salengro n’ont pas eu le même jugement !
Continuons…
Démobilisé provisoirement par le centre démobilisateur de Bages (Pyrénées Orientales) le 15 octobre 1940 ; étant à Rochefort, j’ai obtenu 8 jours de détente + 2 jours de délais de route à partir du 7 avril 1940, grâce au Capitaine André, le Commandant de la 5e compagnie d’où je suis sorti Caporal-Chef.
Mais revenons sur ma démobilisation :
Parmi ses nombreux amis, Papa en avait un bon qui s’appelait Abel Barjolin ; ce Monsieur « juif », tenait avec son épouse un très important magasin de vêtements féminins rue Désiré Delansorne à Arras, actuellement où se trouve la même entité sous l’appellation Devianne. – Ce Monsieur avait une très grosse propriété en Dordogne à Monpont, je m’en souviens parfaitement…
Eh bien ce Monsieur est venu en train me chercher à l’armée, en gare de Perpignan, me faisant passer pour son fils, il a demandé à ce que je quitte l’armée, et m’a ramené jusqu’en Dordogne située en zone libre et en partie en zone occupée en ce temps de guerre.
Nous sommes descendus du train en zone libre et traînant un vélo et mes bagages, nous avons franchi la ligne de démarcation à travers bois : c’était très risqué – puis je suis resté un à deux jours chez les Barjolin et ces derniers, à leur frais, m’ont remis dans le train jusque Amiens.
Là, autre problème, car c’était à nouveau la zone interdite. Me surpassant, j’ai traversé la Somme sur des planches (avec un camarade d’infortune (qui doit toujours vivre, j’espère) un des fils Faidherbe, accordéoniste bien connu à Arras), car tous les ponts étaient détruits.
Tous les deux, nous étions sous la surveillance d’une vieille fille juive également, qui tenait place du théâtre à Arras, la Maison Bleue, je me souviens de Mademoiselle Levy.
Je me souviens… avoir pris un bus pour Arras où, une fois arrivé, m’attendait place de la gare, mon Papa – ce sont de vieux mais bons souvenirs !
Dans le fond, j’ai été sauvé par des juifs ; il y en avait en quantité : 330000 juifs en France en 1940, dont 160000 en zone occupée. 75721 juifs furent déportés, 2500 seulement sont revenus des camps d’extermination.
Bravo pour votre témoignage. J’aurais adoré qu’on me raconte la guerre par ceux qui l’ont vécu.
9 Avr 2008 | #